
– Du p’tit gris au chocolat
Bon les gars vous emballez pas, hein !
Ce que je m’apprête à vous rapporter ici ce n’est que du ressenti, de la sensation, de l’impression qui vous pénètrent (de l’impression… rien d’autre…). À une époque, nous nous étions réunis, Guitou le Chaurien, Pierre l’Ariégeois, Chantal et moi les Sétois pour aller sur le terrain pour une expérience de mesures savantes de rendement de nos pneus par rapport à la concurrence. Le tout à partir d’une méthode « Jan Heinienne » qui, ma foi, se trouvait être parfaitement censée. Nous gardions en tête un mépris à peine déguisé pour les concurrents qui l’avaient bien mérité vu qu’eux nous méprisaient depuis des lustres. J’ai nommé les Clermontois et les Japonais débarqués à Levallois via les États-Unis. La méthode : à partir d’une pente de deux cents mètres suivie d’une ligne droite, un même pilote sur la même machine sans chaîne donc sans élan et simplement lâché sans poussette sur la pente, nous mesurions quel pneu glissait le plus loin.
Sans tricherie aucune, qu’aurions-nous gagné à cela et aurait-il était logique d’imiter les gens que nous critiquions et critiquons toujours, notre Hutchinson se montra, pour le moins, aussi performant que les pneus qui se la pétaient grave.
L’opinion que je vous livre ici n’est pas de ce type. Comme je vous le disais : une simple sensation qui peu à peu s’insinue en vous. Il se trouve que j’ai crevé sous moi, comme le faisaient des chevaux les cavaliers du « Pony-Express », une paire de pneus Hutchinson de la nouvelle série chocolat. Après huit à neuf mille kilomètres couverts sur tous les terrains et par tous les temps. Et donc après être revenu à une paire de gris, neufs, que j’avais en réserve, le chocolat me semble donner un poil plus de rendement.
Alors encore une fois, prudence, peut-être les conseils départementaux ont-ils en peu de temps amélioré le réseau routier ? Peut-être cet andouille de vent qui, dans le coin, se prend pour Dieu le père ? Peut-être qu’à l’insu de mon plein gré un quidam aurait changé les braquets de ma machine ? Tous changements qui pourraient expliquer la chose. Vous me direz qu’un quart de siècle s’étant écoulé entre le gris et le chocolat, il serait incompréhensible que le tripatouillage du caoutchouc n’est pas fait quelques progrès. Toujours est-il que, telle qu’elle, je vous donne l’info, à vous de voir ce que vous souhaitez en faire.
– Ils ont été impolis, mais les Rois étaient à la bourre
Le calendrier liturgique l’affirme : l’Épiphanie c’est le 6 janvier. Nous autres, nous aurons tiré les Rois le 19. Vu le pouvoir dont nos souverains disposent, il est vrai qu’ils n’étaient pas à quinze jours près. À l’approche de la date fatidique, la météo tirait la tronche, la température était descendue en des profondeurs qu’ici nous explorons rarement, et nous commencions donc à rechercher des abris couverts, certains même envisageaient l’annulation pure et simple. Et bien croyez-le, croyez-le pas : nous eûmes une journée splendide. Je me suis laissé dire qu’en vieillissant « El senior météo » était tombé dans l’alcoolisme. Toujours est-il que nous avons couvert une soixantaine de kilomètres, car il n’était pas non plus question de partir avant jour, 10 heures nous parut une heure raisonnable. Les mangeurs de bêtes mortes (dont je ne fais pas partie) s’empiffrèrent de sardines grillées, certains se plaignirent qu’elles venaient de l’Atlantique et qu’elles étaient trop grasses. La mariée était trop belle… Ça nous apprendra à aller chercher des marchandises ailleurs quand on en a chez nous. Ne pas respecter les obligations du commerce de proximité, voilà où ça mène. Par contre, les galettes et royaumes que le copain Michel avaient apportés de chez le meilleur spécialiste de Montpellier, personne ne s’en plaint, ni d’un manque de sucre, ni de la saveur de la frangipane, ni de la provenance du morceau de beurre mahous que le pâtissier avait dû utiliser pour confectionner ces gourmandises. Re vélo ensuite, puis dix-sept heures venues, nous avons fini les restes et nous sommes rentrés, après moult embrassades et promesses de se revoir bientôt. Et si le prochain projet vous intéresse : lisez ci-dessous.
– Travaux manuels et restauration (de biens pas de bouche, qui a dit morfale ??)
Il y a quelques années, nous avions couplé notre « sardinade de Noël », manifestation aujourd’hui devenue culte, avec l’inauguration du « col des Confrères ». La plupart des cyclos locaux, et moi en premier qui suis originaire du village à deux kilomètres de là, avaient noté que le haut de la côte de Pompignan qui, à la fois ouvre sur la plaine dudit village et situe les premiers contreforts des Cévennes, ne portait pas de nom de col bien qu’il en fut clairement un. L’idée nous était donc venue de s’approprier l’endroit pour valoriser au passage la noble « Confrérie des 650 ». Nul besoin de cacher que du point de vue administratif la proposition fut un four. Le département ayant négligemment répondu à notre demande de répertorisation que l’Hérault comptait largement assez de cols et que les instances ne souhaitaient pas investir la moindre tune dans cette aventure sans intérêt de leur point de vue. Quant à la mairie, elle nous adressa une réponse de Normand : « nous vous donnons l’autorisation de planter un panneau mais ne comptez pas sur nous pour vous aider ! » D’ailleurs, au jour de l’inauguration et malgré l’invitation officielle que nous avions adressé à l’ensemble du conseil municipal, personne ne jugea bon de se déplacer. Qu’à cela ne tienne, la Confrérie avait déjà largement fait la preuve qu’elle était assez grande pour se dépatouiller seule. Ce fut le Dédé d’Agen et son beau-frère qui se chargèrent de la réalisation matérielle du panneau. Un must ! Un poteau surmonté d’un panneau rectangulaire, gravé du nouveau nom de l’endroit, peint en blanc dans la rainure gravée et le tout verni soigneusement. Les participants à la fête ce jour-là s’en souviennent en détails. Du type de manifestation sans doute ; un col au nom d’une association la chose n’était pas ordinaire, mais surtout parce que ce jour-là la balade qui, avant la grimpée du col, devait conduire les cyclistes sur zone et même les temps « officiels », courts propos prononcés et les photos s’étaient déroulés sous le signe du cuissard long, de la moumoute qui va bien et des gants triple couches.
Exceptionnel certes, mais ce dimanche-là, l’ensemble de la végétation, aiguilles de cade*, feuilles de chênes verts et branchettes porteuses s’étaient enrobées d’une couche de glace. Comme le chantait Carlos : « Senior météo, ah gla gla qué frigo ! » Dois-je préciser que la redescente se fit dans la douceur et les mains sur les freins… pour ceux dont les doigts pouvaient encore activer les leviers.
Mais ça s’était avant ! Aujourd’hui, le panneau s’il a bien tenu la distance et la charge sauvage du vent qu’il prend pourtant pleine poire, demande une restauration. Le panneau s’est fendu horizontalement, la peinture du texte s’est pas mal abrasée, quant au vernis, que pouic, plus une goutte. Alors, il est question de joindre l’utile à l’agréable, de se faire une sortie pique-nique sur les lieux en emportant dans les sacoches tout le matos pour remettre notre signalétique d’aplomb. Faudrait pas que notre réalité sorte de l’esprit des touristes et des autochtones.
(Ps : pardonnez-moi de ne traiter quasi uniquement des aventures sudistes, mais je ne peux causer que des aventures auxquelles je participe. Celles de nature plus générale demeurent beaucoup plus rares.)
*cade : genévrier cade, espèce très commune en Languedoc d’où l’on tire huile et huile essentielle très utilisée en cosmétique et pharmacopée.
P.J.
