

Lettre mensuelle n° 8
Vous roulez, l’hiver, les gars ?
Elle est mal foutue la France. L’hiver, au Nord on se pèle, au point de se ruiner en pelles à neige et en raquettes pour se glisser entre les congères ; quant au Sud, on se frise les moustaches sur la plage les doigts de pieds en éventails. C’est un peu exagéré mais il est vrai qu’ici nous roulons toute l’année. Pour l’instant… Parce qu’il est probable que d’ici quelques étés nous devrons rester dans nos caves en voûtes d’arêtes sous peine, si nous sortons à vélo, de nous voir citron figé façon œuf dur sous la pression de la température. Nous n’en sommes pas là encore, heureusement. Tout cela pour vous dire que, dans l’Hérault nous sommes une dizaine de sixcentcinquantistes à nous retrouver plusieurs fois par an, au gré des organisations de l’un ou de l’autre, mais surtout pour deux rendez-vous devenus sacrés : la sardinade de Noël, nationalement traditionnelle pour tout cyclo d’expérience, et la galette des rois, traditionnelle tout court pour tout le monde. Les deux sont d’exceptionnels moments de plaisir, mais la sardinade demeure la plus ardue à organiser. Non pas du fait de la difficulté à tracer un circuit. Ni de celle de dénicher un barbecue en dur pour ne pas avoir à en trimballer un mobile. Ni même à cause de l’achat des trois kilos de sardines à réserver quelques jours avant. Non, le côté un tantinet contraignant tient au fait qu’il est long et fastidieux de confectionner des chapeaux pointus et des cotillons pour faire de connes sardines lambda de vraies « poissonnettes » festives. L’expérience, c’est vrai, a rendu les hommes malins qui trouvent toujours quelque chose à faire quand il est l’heure d’enfiler un chapeau sur la tête de chacune des bestioles. Puis ils sont tous de retour après la randonnée pour s’empiffrer de poiscaille. Qui a dit macho ??…
Un circuit vers Notre-Dame
Aviez-vous organisé une rando pour vous rendre à Paris, sur le parvis de Notre-Dame ? Non ? Ben peut-être avez-vous bien fait. La cathédrale est magnifique c’est vrai et ceux qui ont bossé dessus de véritables artistes. Mais nous aurons tout le temps d’aller voir le chef-d’œuvre plus tard. Il n’était pas nécessaire d’aller se faire enfumer lors de cette gigantesque fête qui renifle fort la récupération politique et religieuse. Et puis, pour aller voir le gamin de l’Élysée et le canard américain aurait-il été judicieux de prendre la peine de pédaler ? Et enfin, nous autres cyclistes sommes d’humbles voyageurs sur nos humbles machines et avons-nous besoin de côtoyer des gens qui méprisent leur dogme basé sur la pauvreté et l’aide aux démunis pour esbroufer et faire les beaux ? Pardon aux catholiques pratiquants mais avouez que sur cette affaire il y a beaucoup à dire.
Et nos pneus, ça roule ?
Si ça roule ? Je veux mon n’veu ! Y’a bien quand même Pierrot qui se plaint que le pneu se fend, en long, en travers, dès 300 bornes franchies… Avec ses pneus notre Pierrot il a un peu la scoumoune. C’est vrai qu’il a souvent été embistrouillé. Faut dire que « Hutchinson » c’est « Total » et que notre copain, cette vitrine du capitalisme rayonnant c’est pas sa tasse de thé. Cela dit, sur ce point, il n’est pas le seul ! Comme lui votre serviteur, et probablement beaucoup d’autres qui roulent sur nos enveloppes, n’est pas un inconditionnel du « méprisons tout pour faire du pognon ». Mais peut-être que du côté de Chalette-sur-Loing ils l’ont ciblé lui, Pierrot, pour qu’il subisse l’ire des tripatouilleurs de caoutchouc. Toujours est-il qu’en ce qui me concerne, quatre kilos de pression dans les boudins pour supporter les 82 autres kilos qui me donnent cette silhouette d’athlète et roule ma poule. Jamais eu un souci de quelle sorte que ce fut. Ni de fente, ni de déchirure, peu de crevaisons, et ces dernières seulement récemment, aujourd’hui que mes pneus atteignent ou peut-être même ont déjà passé (car je ne me souviens pas bien de la date à laquelle je les ai montés) les 10 000 km. Pas de débat sur ce point cependant, car comme l’affirme le sens public : toutes les choses ont une fin, et l’on ne peut demander à nos pneus d’être à la fois des palefrois et des destriers, des enveloppes de race et des pneus de tracteurs. Petit retour sur le passage plus haut relatif à « Hutchinson ». Sans revenir sur la courte et puissamment critique analyse politico-sociale, sachons tout de même que nos pneus ont toujours été conçus et fabriqués en France, par des collaborateurs français, payés probablement pas assez mais au moins décemment par rapport aux salaires versés en Asie du Sud-Est, ce qui, depuis longtemps, n’est plus le cas des autres manufacturiers. Cela pour dire que rien n’est jamais ni tout blanc ni tout noir !
Bona Annada et Tenètz-vos fièrs !*
C’est trop tard pour vous souhaiter un Joyeux Noël ! Le Père-Noël vous a-t-il apporté une nouvelle randonneuse (une pensée ici pour l’ingéniosité du bonhomme en rouge, parce que faire passer une randonneuse par une cheminée, coucou… Imaginez le QI du barbu) ? Mais je suis pile à temps pour vous souhaiter à tous une merveilleuse année 2025. Certes, ce ne sont pas mes quelques pauvres et humbles lignes qui vont changer vos destinées. Hélas, les choses ne sont pas si simples et les événements seront ce qu’ils doivent être sans que les souhaits, même ceux que le gamin de l’Élysée ne manquera pas de nous adresser, ne puissent rien y changer. Mais qu’à cela ne tienne ! Moi, ça me fait plaisir de vous dire, à vous que je connais et que j’apprécie bien sûr, mais aussi à ceux que je ne connais pas, que j’espère sincèrement que vous n’allez pas trop souffrir de la connerie des hommes, que vous allez vous battre pour ne pas tout à fait subir les dangereuses fariboles, les morsures venimeuses ou les refus de voir les pavés écolos qui nous tombent déjà dessus, des décideurs de tous poils qui ne cherchent que le pouvoir et l’argent. Et même au-delà de ces redondantes mises en garde, j’espère pour vous des montagnes de plaisirs cyclistes, celles qui vous procureront le bonheur des suaves pédalages, générateurs d’endorphines qui, elles, vous offriront l’extase de la méditation.
* bonne année et portez-vous bien
P. Jean