À la rencontre de Jean-Paul Routens 1997

Va où le vent te mène... (chanson connue)

Pour qui pratique la bicyclette, il est une constatation évidente qu’il est plus facile et plus agréable de prendre le sens du vent plutôt que de l’avoir dans le nez. Il en est de même en matière de commerce et il sera toujours plus aisé de suivre le train de la mode plutôt que de faire oeuvre didactique en continuant à produire, dans le domaine qui nous concerne, des matériels adaptés à des comportements cyclistes particuliers, qui ont largement fait leurs preuves en d’autres temps, et qui concerneraient un large public pour peu que l’on se donne la peine de les promouvoir un tant soit peu.
Il y a une vingtaine d’années encore, les “Cycles Routens” faisaient partie de l’Aristocratie des constructeurs de cycles, et les cyclos, confirmés ou débutants, salivaient d’envie devant les magnifiques randonneuses signées Jo Routens et exposées dans les allées des différents Salons du Cycle. Sans mettre en cause la qualité de fabrication de la production Routens d’aujourd’hui, force est de reconnaître que la vocation cyclotouriste, qui a fait la renommée de la maison, n’est plus aujourd’hui d’actualité.
Arrivé en avance à notre rendez-vous avec Jean-Paul Routens, nous avons pu longuement déambuler dans le spacieux et moderne hall d’exposition et constater que seule, perdue au milieu des centaines de pneus, 700C et 26 pouces, de jantes, de pièces et d’accessoires, course et V.T.T., et d’un magasin d’habillement très bien fourni en maillots “Once”, “Banesto”, ou autres “Gewiss”, une (pas deux) chambre à air en 650B défend farouchement, avec l’obstination née du refus de résignation, l’honneur de notre section de prédilection.

– Le 650 : Votre père, Jo Routens s’était construit peut-être, une réputation en construisant des randonneuses 650 et 700, travaillez-vous toujours en 650 et  quelle est votre production de ce type de bicyclette ?

– Jean-Paul Routens : Nous travaillons toujours pour le 650 car, de par la philosophie de la maison, nous faisons ce que désire le client, nous restons ouvert à toutes les demandes du marché. Quant à la production, elle est très petite car il y a très peu de demandes. Dans notre clientèle, nous ne poussons pas vraiment vers le 650 : si c’est vraiment cela que le client réclame nous le faisons, sinon, personnellement, j’essaye de le décourager d’utiliser ce type de machine car, en général ce sont des gens qui font de l’itinérant, qui sont amenés à partir à l’étranger et même sans aller bien loin en Europe… si vous avez un pépin avec un pneu de 650, vous faites quoi ?

– Le 650 : Parmi les gens qui font construire une randonneuse, quelle proportion réclame du 650 ?

-J.P.R.: En dessous de 5%…Un client qui veut une randonneuse pour faire de l’itinérant, du cyclocamping, nous ne le dirigeons pas non plus sur le 700, contrairement à beaucoup de nos confrères, mais beaucoup plus vers le V. T. T., parce qu’en 26 pouces il existe tous les types de pneus, du 25, 28, 30, 32, 35mm et que cela ouvre pas mal le marché. Un client qui achète ce vélo-là trouvera un pneu partout où il pourra aller.

– Le 650 : En définitive, pour vous, le 650 n’est, peut-être, pas totalement voué à disparaitre mais…

– J. P. R. : C’est un peu voué à disparaître! Regardez, les fabricants de pneus offrent de moins en moins de choix, même si quelques uns ressortent un ou deux pneus de 650, cela reste quand même très limité. Quant aux jantes, c’est de pire en pire…

– Le 650 : Non, “Rigida ” continue à fabriquer et à fournir des jantes en 650 …

– J. P. R. : Oui, mais “Rigida”, c’est quoi comme marché ? Si vous allez aux U. S. A., vous n’en trouvez pas. Aucun des gros fabricants, “SUNN” par exemple, ne fabrique de jantes 650. “Rigida” fait un effort, mais c’est un peu différent car ils cherchent avant tout un créneau qui n’est pas recherché par ses gros concurrents, alors le 650 reste pour eux une petite niche, mais… ça reste vraiment une petite niche.

(NDLR : D’une part, quel pourcentage d’acquéreurs, par rapport au nombre des vélos vendus, ira un jour ou l’autre à l’étranger, assez loin pour ne pas trouver, ou se faire envoyer, un pneu ? Assez longtemps, pour ne pouvoir non plus emporter une quantité suffisante de pneus pour assurer la distance ?Et sur un terrain assez cassant pour que le bris de jante, incident relativement rare, devienne un souci majeur ? L’argument commercial n’est pas, non plus, très convaincant, car le but pour une entreprise reste de vivre, et il n’est pas forcement nécessaire pour cela de viser le marché Américain. En un mot, ce qui importe pour Rigida”, c’est que l’entreprise assure un chiffre d’affaires suffisant à la rentabilité de la fabrication de jantes 650, et non pas que celle-ci vise un énorme marché mondial.
Pour en terminer, devra-t-on toujours subir, même dans le monde du vélo, les caprices et exigences des “Zétats-Zunis” ?)

– Le 650 : En tant qu‘utilisateur, seriez-vous 650 ou 700 ?

– J. P. R. : C’est une grosse polémique ça… et qui ne date pas d’hier. Pour moi, c’est deux produits différents. On ne peut pas dire que l’un est meilleur que l’autre, ou plus mauvais. Il y a longtemps que je n’ai plus de 650. J’ai fait du tandem en 650, en 700, du tandem à boyau, à V. T. T. Sur le 650 nous avons eu plus de confort et un peu moins de rendement mais j’ai pris autant de plaisir sur un tandem que sur l’autre.

– Le 650 : Justement, si ce sont deux produits différents mais aussi performants l’un que l’autre, pourquoi a-t-on promu le diamètre 700 et abandonné le 650 ?

– J. P. R. : Il faudrait poser la question aux gros constructeurs, car c’est eux qui font la tendance. Je pense que le 650 a disparu devant la volonté de standardisation des grosses boîtes de l’époque : les “Peugeot”, “Gitane” et autres “Mercier”. Le 700 avait le gros avantage de pouvoir monter sur le même cadre des pneus ou des boyaux mais le gros argument c’est, je crois, le besoin de standardiser. En 650, il y avait le A., le B., le C…

– Le 650 : Le 650C est aujourd’hui utilisé par certains coureurs professionnels et par les Triathlètes…

– J. P. R. : Oui, certains prétendent qu’il y a plus de rendement en 650, d’autres que c’est en 700, pour nous qui avons construit récemment un vélo en 650C pour une petite femme, le vélo est beaucoup plus joli, c’est vrai, maintenant… L’arrière du cadre est plus rigide, la fourche est plus rigide, les triathlètes sont des gars qui font 1,85 m, quand on met un cadre pour quelqu’un de cette taille sur des roues de 650 est-ce qu’il y a un plus ou non ?… Le vélo c’est dans la tête que ça se passe car il est difficile de faire des comparatifs. Les conditions psychologiques et physiques du cycliste changent, les conditions météo changent et il est difficile d’évaluer, lors de courses ou de randonnées, si c’est le cycliste ou le vélo qui fait le petit plus.

-Le 650 : Pour les utilisateurs de 650, il devient de plus en plus difficile de trouver du matériel et la plupart des constructeurs que nous avons rencontrés maintiennent que le 650 est appelé à disparaître…

– J. P. R. : J’étais, tout à l’heure, en rendez-vous avec trois hauts responsables de chez “Michelin” et avec eux, le 650 n’est jamais abordé, cela n’existe plus, c’est dans le catalogue, ils continuent à en livrer mais nous ne communiquons plus là dessus. De plus, le parc des 650 n’est pas énorme donc… à l’atelier c’est quand même rare quand on rentre un 650.

– Le 650 : Votre père, Jo Routens, roulait en 650 ou en 700 ?

– J. P. R. : Au tout début, il roulait en 650 car il n’y avait que ça, et le pneu était le “Super Randonneur”, ensuite il est passé au boyau avant de revenir au pneu et d’utiliser deux vélos, un en 650 l’autre en 700 et quand je lui demandais pourquoi il prenait le 650, il mettait en avant seulement les qualités de confort*.

– Le 650 : Il y a donc bien un plus au niveau du confort en 650 ?

-J. P. R. : Il y a un plus par rapport à du 700 de petite section. On n’a jamais équipé des vélos avec des pneus de 700 de bonne qualité. Quand on équipe un 700 avec des grosses sections, on ne trouve que du bas de gamme donc on ne compare plus la même chose.

– Le 650 : Mais au-delà du pneu, il y a une sensation différente à utiliser du 650. Du fait du diamètre de la roue, de la géométrie du cadre…

– J. P. R. : Oui, ces critères ont une incidence, mais il faudrait monter la même qualité de pneus, la même qualité de jantes et après faire des comparaisons. A une époque en 650, on trouvait de très bons pneus et quand on voulait un vélo en 700/28, on ne disposait que de pneus de bas de gamme, ceux que l’on appelle aujourd’hui les pneus “Gunwall” (?) : moulés sous pression, sans rendement, lourds, sans souplesse, là c’est sûr qu’il y avait un gros écart. Parce qu’on ne peut comparer un pneu 650 fait main ou un “Bib TS 32” de” chez Michelin avec un Wolber 720×28, ce n’est pas le même produit.

– Le 650 : Vous sortez d’un rendez-vous avec Michelin, l’entreprise continuera-t-elle à fabriquer et à distribuer le “Bib 32″ ?

– J. P. R. : Le “Bib 32” est toujours référencé au catalogue mais je ne peux pas vous répondre quant à sa fabrication future, nous aurions pu leur poser la question. Je sais qu’en 96, ils en ont fabriqué une fois. Il n’y en avait plus en stock, nous sommes restés en panne pendant un mois et demi à deux mois. Michelin a donc fabriqué une série en sachant qu’il y avait de la demande et qu’une série de x unités durerait un certain laps de temps. Quand cette série sera épuisée… en fabriqueront-ils d’autres ? Je présume que ce sera la même réflexion. (NDLR : L’argument du manque de matériel, qui serait à l’origine de l’arrêt de fabrication de vélo en 650, se trouve ici démenti puisque même dans la situation actuelle, où il n’y a plus aucune démarche commerciale en faveur du 650, un très important fabricant comme Michelin fournit toujours des pneus de cette section.)

-Le 650 : Pour les sixencinquantistes, dont je fais partie, se pose un double problème, celui de l’abandon d’un matériel convenant parfaitement à la pratique du cyclotourisme d’une part, et d’autre part un problème d’esprit. Abandonner le 650, c’est aussi, en quelque sorte, abandonner une certaine façon de pratiquer le vélo, hors des phénomènes de mode ou des besoins de compétition.

– J. P. R. : Oui c’est sûr, mais il faut tenir compte des impératifs de production, des impératifs économiques, des impératifs de développement…

 Le 650 : N’avez-vous pas le sentiment d’abandonner une culture, une notoriété, l’image de marque que Jo routens avait acquise auprès des cyclos ?

– J. P. R. : Non, j’ai le sentiment que quelque chose se perd. Dire que je l’abandonne… non, parce que je à aucun moyen de pression sur les gros fabricants. Le petit Routens ujourd’hui n’a pas d’impact sur le choix de fabrication de Michelin, de Mavic ou autres. Il va pouvoir orienter les ventes sur certains produits auxquels il croit mais si le produit n’existe pas…

– Le 650 : Pensez-vous que la Confrérie puisse faire bouger les choses ?

– J. P. R. : Si elle a assez de poids, elle peut amener certains fabricants à continuer le produit. Mais, à moins que le 650 ne se redéveloppe, ils ne relanceront pas des gammes, ils ne referont pas des produits. Un fabricant de pneus par exemple qui possède le moule pour faire des pneus en 650 continuera tant qu’il y aura de la demande à fabriquer le pneu, mais que demain il investisse dans un nouveau moule ou qu’il se lance dans l’étude d’un nouveau produit ou encore, dans le cas de Michelin, qu’il utilise les nouvelles gommes au silice et s’équipe de nouveaux outils pour la fabrication d’un pneu 650, je le sens mal.

– Le 650 : Le 650 a été, plus ou moins, abandonné, les tubes “Reynolds » sont menacés, les freins V- brake détrônent peu à peu le Cantilever, Il est quand même grave qu’à partir d’une décision purement commerciale on agisse sur le loisir de milliers de gens…

– J. P. R. : Oui, mais c’est dans tous les secteurs. Si vous voulez écouter des disques sur un phono à manivelles et bien, à part chez les antiquaires, c’est impossible. Tout évolue et c’est vrai que le vélo a évolué très vite ces dernières années. Cherchez une manette de dérailleur à rétrofriction par exemple… c’est introuvable. Alors est-ce que ce n’est pas mieux de passer à l’indexation, est-ce qu’aujourdTiui l’outil ce n’est pas l’indexation ? C’est la même chose pour tous les produits, tout évolue… 
(NDLR : d’accord pour l’évolution, mais aussi, en quelque sorte, abandonner une certaine l’exemple est mal choisi car en ce qui concerne le matériel 650 et plus généralement le type de vélo que nous utilisons, il sera difficile de prouver qu *un vélo de course ou un VTT est plus adapté au cyclotourisme et même aux simples sorties des cyclistes du dimanche matin qu’une randonneuse équipée pour cela, ou même que des pneus 700/23 ou 25 ne présentent que des avantages par rapport au 650/32 ou 35. Il ne s’agit pas là d’évolutions, mais de décisions arbitraires uniquement dictées par une politique commerciale.) 
Il est de plus en plus difficile de trouver une bonne selle en cuir. “Brooks” est toujours là mais c’est le dernier. La marque “Idéale” existe toujours mais ce n’est plus du tout la même qualité. “MAFAC” à disparu et tout le monde a été bien content de trouver le VTT pour avoir des freins à tasseaux. Difficile de faire la part des choses mais en face les fabricants sont de plus en plus gros, de plus en plus concentrés. Aujourd’hui ce n’est plus “Peugeot” ni “Gitane”, c’est “Cycleurope”. Plus on standardise plus on aura ce type de phénomène. Trouver de nos jours des garde-boue en 650, cela devient une gageure. C’est pourtant un produit tout simple : une feuille d’alu roulée pliée. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? C’est peut-être un autre débat. Mais si les fabricants arrêtent la production de certains produits, c’est que le seuil de rentabilité n’est plus atteint, qu’il n*y a plus assez de demandes. Pour les garde-boue, des gens comme “Canyon” fabriquent toujours du laminé alu mais ils ne fabriquent plus de garde-boue parce qu’ils ne peuvent pas lancer une fabrication pour 40 ou 50 paires, le prix en serait trop élevé, et ils ne peuvent pas non plus stocker trop longtemps.

– Le 650 : Mais si l’on ne vend plus à l’heure actuelle de randonneuse, c’est peut-être parce qu’on ne les propose pas à la clientèle ?

– J. P. R. : Mais ça c’est la loi du marché. On ne propose plus aujourd’hui de vélo randonneur, qu’ils soient en 650 ou en 700, en règle générale et mis à part une quinzaine d’artisans en France. Ici, à Grenoble, il existe encore une vingtaine de marchands de vélos, il n’y en a qu’un qui peut présenter un randonneur. Et encore nous ne le mettons pas en évidence car il y a très peu de demandes (NDLR : N’y a-t-il pas très peu de demandes parce que justement on les cache aux yeux de la clientèle au lieu d’en faire la promotion ? ) 
Vous allez dans une ville comme Marseille qui va vous proposer une randonneuse ? Y-aurait-il encore la clientèle pour ce type de machine ? Je suis moi-même incapable de répondre, je ne dis pas qu’elle n’existe pas, mais je ne peux pas en juger. Nous présentons deux types de vélos randonneurs au catalogue mais, encore une fois, il y a très peu de demandes. C’est une évolution du marché, une évolution dans la façon de faire du vélo.

-Le 650 : Il est curieux de constater que la majorité des gens qui utilisent des VTT le font sur la route. Pourquoi tous ces cyclistes ne rouleraient-ils pas avec des randonneuses ? Pourquoi n’est-il pas possible de prouver à tous ces gens qu il serait plus confortable et plus agréable de rouler avec une randonneuse “Routens”qu’avec un VTT ?

– J. P. R. : D’abord ils n’ont jamais essayé (NDLR : à qui de le leur proposer ?), ils viennent au vélo grâce à un phénomène de mode et achètent un VTT parce que l’on ne voit, chez les commerçants, que des VTT (NDLR : encore une fois la faute à qui ?). C’est bien d’un autre côté car sans le phénomène mode et le phénomène VTT nous n’existerions peut-être plus. Les gens ont retrouvé, avec le VTT, le goût du vélo. J’ai deux enfants qui vont au lycée à vélo sans aucun problème alors que pour la génération antérieure aller en classe à vélo c’était presqu’une honte. Je suis pratiquement toujours allé à l’école à vélo mais je passais vraiment pour le dernier des ringards. Si l’on voit de nos jours des vélos en ville et des vélos dans les lycées, c’est quand même, quelque part, grâce au VTT. Les gamins font du VTT, un peu de Bi-cross, la vogue du VTT a remis le vélo au goût du jour.

– Le 650 : Pour en revenir au 650, vous pensez donc qu’il y a du souci à se faire ?

– J. P. R. : Peut-être qu’un jour un gros constructeur lancera une gamme en 650, pourquoi pas ? Il peut lancer sa gamme, il a les fournisseurs, il sait qu’il vendra un ou deux vélos par concessionnaire donc il aura tout de suite un volume de vente. S’il a une aura internationale, il peut trouver, même si c’est petit, quelques clients intéressés aux Etats-Unis, quelques autres aux Japon… Alors que si on parle des régionaux : Cattin, Routens, Follis, qu’est-ce qu’on a ? On va lancer la fabrication de 250, 300 vélos en prenant un risque énorme car lancer une gamme c’est trouver des garde-boue à un prix abordable, des pneus et des jantes à un prix abordable. Nous ne sommes que des assembleurs, construire un cadre et lui apporter toutes les modifications que souhaitele client, je sais faire, mais je n’ai aucun poids sur les choix, en matière de productions, de mes fournisseurs et je n’ai pas la possibilité de leur faire fabriquer une pièce en fonction de mes critères. 
(NDLR : Peut-être sommes nous naïfs et peu au courant des impératifs et obligations de fonctionnement des Cycles Routens ou Follis, mais faire la promotion des randonneuses n’impliquepas forcement le lancement d’une gamme de vélos. Il s’agirait, dans un premier temps, de continuer à les construire, artisanalement comme le font certain et de militer, par voie de presse, de publicité, de vive voix lors de contacts entre vélocistes et clients ou par tous autres moyens qui permettraient à moindre coût d’ouvrir, même lentement, le marché.)

Cette entrevue avec Jean-Paul Routens nous a laissé perplexe durant le trajet qui nous ramenait vers nos bases. Les propos de notre interlocuteur ne nous ont pas semblé répondre à la réalité de la situation, mais plutôt être le fruit de compréhensibles chez un commerçant, mais très éloignées du point de vue d’un passionné. Certains de nos chers “petits artisans” présentent les randonneuses sous un jour beaucoup moins négatif, ne semblent pas éprouver d’insurmontables difficultés quant à l’approvisionnement en matériel pour ces machines spécifiques et ne se plaignent pas de l’appoint de chiffre d’affaires réalisé grâce à elles. La vérité nous apparaît d’un autre ordre.
Au même titre que le Rhinocéros d’Afrique ou le Tigre du Bengale, nos montures particulières sont devenues une espèce en voie de disparition. La protection de ce patrimoine, à quatre pattes ou à deux roues, réclame un zeste de passion et un minimun de motivation. Or, ce qui nous semble le mieux caractériser aujourd’hui ceux qui ont abandonné le combat, n’est pas la difficultéà se fournir en matériel, ni le constat de la raréfaction d’une clientèle, qui s’arrache par ailleurs toute une population de VTT de plus ou moins grande qualité, mais simplement, outre une possible cupidité financière dont nous refusons de les soupçonner, le fait de ne pas croire au produit. Un vieux proverbe Français résumera parfaitement, comme cela est souvent le cas pour ces vieux et judicieux dictons, et en quelques mots une situation devenu critique : « Qui veux tuer son chien prétend qu’il a la rage”.

* – Si le confort (et la tenue en descente) sont les points forts unanimement reconnus au 650, Jo Routens appréciait certainement aussi le rendement procuré par cette section puisqu’il l’utilisait couramment avec son équipe pour gagner des épreuves cyclosportives, si l’on en juge par une lettre du 2/11/64 (voir ci-dessus) adressée à Henri Dose. D’autre part, un cyclosportif notoire certifie avoir amélioré tous ses temps en montées chronométrées en passant d’un HERSE 700 à un ROUTENS 650.

Propos recueillis par Patrick Jean (adhérent n°414), paru dans le numéro 6 de la revue le Six Cent Cinquante