À la rencontre de Jean-Luc et Sylvain Auzilou

« Modernes » ou classiques mais toujours compétents

C’est important la famille ! La preuve, au-delà des rapports sentimentaux qui demeurent la plupart du temps très serrés entre ses membres, elle est aussi souvent à l’origine d’une passion qui débouche sur une profession. Le milieu du cycle ne déroge pas à la règle.

L’un des exemples de cette vocation par mimétisme peut être observé au Sud de Paris où les frères Jean-Luc et Sylvain Auzilou ont repris le commerce de cycles de leur grand-père maternel Pierre Perrin.

Baptisés à l’huile minérale, ils ont tous deux communié autour de l’abbé papy soudeur, puis mené leurs études de théologie cycliste, sur le tas ou en séminaire, avant d’atteindre, le vélo demeurant une religion, le collège des derniers officiants de la confrérie du chalumeau magique.

Il se trouve que c’est aux « Cycles Perrin » que j’ai confié, il y a quelques années, la fabrication de ma dernière randonneuse en date. Un choix orienté par des critères qui, à mes yeux, conservaient une grande importance : une expérience confirmée par des années de pratique et un délai de fabrication relativement convenable. 

Pourquoi l’expérience me semblait-elle principale ? Parce que désireux de me faire construire un cadre en acier inox, Colombus XCR, il était nécessaire de pouvoir compter sur un coup de chalumeau des plus sûrs. Quant à la notion de délais, il est de notoriété publique que quelque soit le développement du marché du cycle qui, à mon sens et sur ce type de machines demeure quand même contenu, le délai de livraison réclamé dépend plus du manque de personnel que de la charge de travail. Toujours me semble-t-il que des délais de mise à disposition qui chez certains s’allongent jusqu’à une année sortent du raisonnable. 

C’est donc à Egly (91), tout près du circuit de Montlhéry, que je me suis rendu pour commander ma nouvelle machine. Les frangins sont installés dans un local tout neuf illuminé par les immenses vitrines qui couvrent la totalité de la surface au sol. Premier signe que malgré la diversité des types de machines (je n’ose pas dire vélos…) qui se vendent ici, l’endroit demeure une bonne adresse cyclo : la randonneuse « à la française » d’il y a déjà quelques années, chromée et en tout point bien pensée accrochée derrière la vitre à gauche de l’entrée démontre le savoir-faire des gens de la maison.

Ici, le travail se partage en deux. Évidemment puisque les proprios sont deux frères… Sylvain construit, Jean-Luc fait la vente et la prise de mesures. Et chez Perrin, la prise de mesures c’est des mathématiques supérieures. A l’aide de segments de diverses longueurs, Jean-Luc mesure tous les os de votre corps et les angles que chacun forme avec les autres. Une grosse heure et demi au bas-mot. Ensuite, à condition de savoir ce que vous voulez évidemment, il faudra une nouvelle grosse heure pour définir avec quel type d’accessoires sera montée, où ces matériels sont trouvables, s’ils le sont… déjà… et, surtout, s’ils sont compatibles entre eux de façon parfaite. Parce qu’ici on ne fait pas dans l’à peu près ou le bidouillage : ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas. Mais on pose une règle immuable au départ : quand la machine sort du bouclard, tout doit fonctionner au poil, sans jamais un risque de bistouille ici ou là. 

Après la séance de prise de mesures et de choix de périphériques, je n’ai attendu que… quatre mois avant de prendre livraison de mon nouveau jouet. Nous étions partis sur trois, mais bon les difficultés de notre époque sont ce qu’elles sont, et si pendant cette période j’ai connu quelques moments de crispation bruyante, pas de ressentiment avec le recul… on a connu pire ! Et puis le jour de réception de la machine, installée pétard en face de l’entrée, j’ai failli en perdre la vue. « Ça valait la peine d’attendre ?! » m’a demandé Jean-Luc Auzilou le sourire un minimum sournois. Oui, ça valait !!!

Reste, pour finir, à connaître la réaction face à la demande relative au standard 650 B. Je n’ai eu aucune remarque ni aucun commentaire à ce sujet, chez Perrin on construit ce que le client demande. Cela dit, qu’en aurait-il été il y a quelques années, va savoir ?… Car il est vrai qu’aujourd’hui, avec le retour de notre diamètre chéri, squatté et renommé par les États-Unis, le 650 B alias 27’’5 n’est plus un vilain petit canard mais le top de la mode. Même si les jantes à disques et les pneus à tétines en 45 voire 50 mm ne sont pas vraiment la tasse de thé des cyclos de chez nous. Peut-être, sûrement… parce que malgré l’aura dont profitent les américains et ne leur en déplaise, notre réseau secondaire est meilleur que le leur.

Au final, même si, ici comme ailleurs, on sacrifie à la mode gravel et VAE, il faut bien vivre, on conserve le savoir-faire dont on se sert pour assouvir son amour des belles machines et du travail bien fait. Une très bonne adresse pour qui sait ce qu’il veut et qui l’obtiendra auprès de gens qualifiés et performants.

http://cyclespierreperrin.fr/

Texte Patrick Jean