Lettre mensuelle n° 5 (août 2024)

Tout le monde en classe !

C’est pas bientôt fini non ? Deux mois que vous glandouillez pendant que le boulot s’entasse ! Quoi ? Les vacances ? Oui, ben ça y est vous êtes reposés ! Hein ? Des retraités ? Ah oui, de ce côté il est vrai que la plupart des cyclos de la Confrérie ont atteint la limite d’âge et ne pointe plus à l’horodateur. Il en reste quelques-uns qui doivent se lever le matin pour aller au chagrin mais, et nous n’en tirons pas une gloire, ils ne sont pas nombreux. De toute façon, après deux mois de pérégrinations cyclistes, les uns et les autres va falloir penser à rentrer. Sous peine de voir au jardin monter les salades, filer les haricots verts, et constater que les fraises sont bouffées par les piafs. Et puis vous n’en avez pas marre de pédaler ? Ben non !!! Que d’ici je vous entends brailler en chœur ! Et vous avez raison. Moi, je suis pas encore parti. C’est peut-être ça qui me rend chagrin ? Que les autres profitent de leur randonneuse 650 et que moi je reste à tourner autour du clocher. Mais t’inquiètes, je vais me rattraper. Quand « Titi », mon petit-fils parisien, sera remonté dans sa vallée de larmes (de pluie parisienne), je vais allonger le pas et les distances. Avant de rejoindre quelques-uns d’entre vous en Cévennes sur l’organisation VSD de Jean-Claude le Roi de la lentille, il est ponot*.

* habitants du Puy-en-Velay. Quant aux pourquoi de cette appellation, je vous renvoie à Wikipédia parce que si la logique est lumineuse, l’explication est un peu compliquée.

VSD : date limite (officieusement) repoussée

N’allez pas croire qu’il manque du monde pour le VSD à Lasalle. Mais, chaleureux comme il est Jean-Claude, il est toujours prêt à accueillir plus de monde. Alors, c’est exact, il avait arrêté la date d’inscription pour son organisation au 14 juillet. Mais il est vrai que la date avait été choisie sans tenir compte de tous les critères qui lui sont liés. Ce jour-là, c’est un fait vérifié, les Français fêtent la prise de la Bastille et la révolution française. Avec le recul ils se sont rendu compte que, malgré le symbole que l’on attache à la période et l’utilisation massive du coupe-chou du docteur Guillotin,  on n’avait pas changé grand-chose. Mais peu importe, le souvenir est là et le rêve aussi. Alors, pour le concours de boules, le feu d’artifice ou le bal des pompiers, tout le monde est torché. Il est donc difficile pour les cyclos de prendre des décisions importantes. C’est pourquoi, magnanime, Jean-Claude a repoussé la date de clôture des inscriptions pour attendre que les vapeurs de l’alcool se soient dissipées. « On se débrouillera toujours ! » qu’il a dit le brave homme. Alors profitez de sa belle âme et prenez rendez-vous pour participer à ce qui sera encore une fois, à n’en pas douter, une fête du vélo et de la Cévennes.

Pas concerné… mais quand même !

Tout ce que vous voudrez ! La course ce n’est pas notre affaire ! Les coureurs ils sont jeunes, entraînés mieux que nous, ils conduisent un autre projet et de plus, mais ça il faut surtout pas le répéter, il paraît que certains prennent des cafés arrosés dont les grains viennent de pays exotiques qui leur offrent un surcroît de puissance et une capacité de résistance accrue. Bon, moi j’en sais rien mais je l’ai entendu dire. Toujours est-il que, pendant les Jeux Olympiques, durant lesquels j’ai soigneusement évité de me laisser embarquer dans cette espèce de frénésie qui, j’exagère à peine, remémorait quelque part les rassemblements de Nuremberg, pendant lesquels il s’agissait pareillement d’exalter la puissance et la gloire d’un pays, j’ai regardé, amour du vélo oblige, la course en ligne dans Paris. Et bien voir Mathieu Van der Poel, Wout Van Aert ou mieux Remco Evenepoel grimper la rue Lepic, quand on est ou on a été Parisien et que l’on connaît Montmartre, ça vous fout quand même un coup au moral. Je sais bien qu’il faut relativiser, et je relativise… Mais quoi qu’on en dise : le vélo, c’est visiblement pas le même jeu pour chacun.

« Et Rose elle a vécu ce que vivent les roses, l’espace d’un matin »

Ce magnifique vers de François de Malherbe tiré du poème écrit pour monsieur du Périer à l’occasion de la mort de sa fille est entré de nos jours dans le langage courant. Cela étant, né au XVIe siècle, il est peu probable que l’homme de lettre put imaginer que sa très belle phrase put être utilisée dans le cadre d’une situation cycliste. Car il sera question ici de la randonneuse. Née au court du premier tiers du XXe siècle, elle eut, il est vrai, une vie plus longue que celle de la Rose du poème, mais hélas connue le même sort.

La naissance de cette machine à tout faire ne dut pourtant rien au hasard : efficace au roulage en toutes circonstances, sur quasiment tous les terrains, solide, confortable, capable de transporter une charge conséquente, de rouler longtemps, de nuit et en protégeant au mieux son veinard de propriétaire, elle était et elle reste, quoi qu’on en dise, la Reine absolue du cyclo-tourisme. Et pourtant, rendons-nous à l’évidence : personne n’en veut plus ! Les utilisateurs restants ne sont plus considérés par la « frimeuse » gent pédalante (qui eut cru il y a quelques années que l’on eut pu frimer avec un vélo, les grosses Harley et autres Mercedes  faisaient jusqu’à présent la maille ? Sainte bêtise quand tu nous tiens) que comme de respectables collectionneurs, pas vraiment cyclistes chevronnés, au mieux ou, au pire en tant que « has been » dépassés et nostalgiques.

Quelle que soit notre opinion sur nos randonneuses, force est de reconnaître que leur époque est désormais révolue. Il eut été possible de lui apporter quelques aménagements « dits » modernes, pas  énormément parce que la bête était déjà quasi parfaite dès son avènement, mais soyons magnanimes et acceptons le fait que certains points de détail ont avec le temps pu évoluer. Mais non ! Marketing oblige, et « le milieu » préfère le buzz à la facilité… vu la c… ambiante c’est beaucoup plus rentable. Et l’on voit donc fleurir ici ou là des hybrides, entre course et VTT, plus ou moins réussis et baptisés « gravel ». À l’américaine, bien sûr ! Paraphrasons alors Séguéla à propos de Rolex : « si à cinquante ans t’as pas un Gravel c’est que t’as raté ta vie ! » Mais pour la randonneuse digne de ce nom, avouons tout de go que c’est très mal barré.

P. J.