Je suis sorti ce matin, mais mélancolique et triste. Pour quelques kilomètres, comme pour un hommage à notre Gégé (Gérard Mayet) de Pau, emporté par l’une de ces maladies modernes que la pourtant puissante science d’aujourd’hui n’a pas encore réussi à éradiquer.

Saleté de vie, vicieuse, qui nous offre, à nous cyclistes d’expérience plus encore qu’au commun des mortels, de magnifiques moments de joie, de partage et de plaisirs, pour mieux, en retour, nous infliger des peines, d’autant plus cruelles que le sentiment était devenu plus fort avec la personne qu’elle nous force à quitter.

Josette et Gégé étaient des copains de longue date, des amis devrions-nous dire. Acheteurs de deux des premières randonneuses de la Confrérie, ils faisaient partie du premier cercle des membres de l’association, de ceux qui, sauf cas de force majeure, sont toujours présents aux rassemblements des copains. Gégé mettait même, avec un plaisir visible, les mains dans le charbon pour organiser des week-ends aux petits oignons au cœur de son Béarn d’adoption. Quel participant pourra oublier le week-end du 11 novembre de Toujouse, avec l’enivrante dégustation d’Armagnac, au propre et au figuré, et le poulet au curry de Josette ? Celui de l’A.G. de Sendet ou celui du 11 novembre en même place, dans un gîte quatre étoiles, estampillé XVIIIe, avec soirée cheminée et ambiance famille, le tout pour un tarif écrasé ?

Et puis, tout ceux qui ont roulé avec notre copain disparu n’oublieront pas que, passé du viril milieu des routiers au sein duquel il fit carrière à celui de la randonnée cycliste, plus calme et plus tranquille, il illustrait la sérénité solide de l’homme conscient de son état qui, comme le lion de la savane, savait appréhender les problèmes sans se départir de son calme et de sa bonne humeur.

Au fil de ma route de ce jour-là, me sont revenus à l’esprit quelques-uns des souvenirs heureux. Celui d’une montée au-dessus de Le Boulou, vers l’Espagne, lors du premier rassemblement du 11 novembre. Celui d’une crevaison par lui réparée sur une route anonyme du côté de Jargeau. Et puis les innombrables regroupements sous l’auvent de son camping-car où, après le pédalage, nous nous regroupions pour l’apéro voire le casse-croûte. Et puis enfin, de la mémorable rigolade un soir à Sète dans le camping-car lorsque, se méprenant sur l’étiquette de la bouteille, Gégé nous fis boire du décapant Calva en place du gouleyant Muscatel… Surprise garantie, remarquée, et remake, lui qui aimais faire référence à cette mémorable scène des «Tontons flingueurs » (de Georges Lautner) : « J’lui trouve un petit goût de pomme ! ».

Bien faible consolation, mais pour diminuer un tant soit peu la peine, rappelons ce qu’un texte religieux, dont j’ai oublié la source, affirme : « … il n’est pas parti ! Il est seulement passé dans la pièce à côté, où nous ne pouvons le voir ! ». C’est comme cela mon Gégé que je penserai à toi désormais, dans la pièce d’à côté, juste de l’autre côté du placo, là où peut-être tu peux encore nous entendre, assis joyeux à table avec tout ceux que nous avons déjà perdus au physique.

Saloperie de vie, saloperies de maladies je vous hais, vous qui jouez comme à loisir à effacer les plus beaux des sentiments des hommes : le partage et l’amitié.

Patrick