Vélocio était un pur ! Humble, épicurien et bon camarade ; il allait même, lui le végétarien motivé, jusqu’à manger un bout de viande pour ne pas heurter la maîtresse de maison lorsqu’il était invité. Il considérait déjà que le vélo demeurait pour de multiples raisons une bien belle chose à opposer aux autos dont pourtant, à l’époque, le nombre ne polluait ni les espaces ni les poumons. Certaines de ses idées persistent encore aujourd’hui dans le cerveau de quelques vieux pelés, par l’âge, et de quelques tondus, par la société de consommation. Parmi elles, l’idée d’une organisation dont le but avoué demeurait de retrouver les copains aux premiers jours de beau temps, annonciateurs de superbes virées cyclistes : Pâques en Provence.
L’organisation a traversé le temps, mais c’est de nos jours une fédération devenue bien consumériste et parfaitement inscrite dans une société à l’opposé des considérations du Maître qui monte ses calicots en une cité provençale, différente chaque année. S’y retrouve tout ce qui pédale. Et sur ce point déjà il y aurait à dire, tant certaines façons de faire et de penser sont éloignées de la philosophie de Monsieur Paul (de Vivie dit Vélocio). Mais il y a pire ; le rendez-vous, comme d’autres dans ce qu’est aujourd’hui le milieu du vélo, est devenu un grand barnum commercial où s’agglutinent et profitent des stands qui n’ont que de très loin rapport à la bicyclette : pinards, fromages et autres produits présentés comme locaux, organisateurs de randonnées payantes, comme si le cycliste n’était pas un grand garçon capable de choisir lui-même sa destination, propositions d’hébergements, payants bien entendu, savons, miels et autres baraques à frites-merguez qui, outre le fait d’engraisser physiquement le consommateur, s’engraissent financièrement eux-mêmes en même temps que la fédération qui loue le droit d’installation et l’emplacement. Quant à l’intimité du rendez-vous d’origine, il n’est plus qu’un mythe dont l’origine et le but demeurent inconnus des milliers de participants, cyclistes de la dernière mode ayant découvert le vélo avec le battage du discours ambiant, la retransmission du Tour à la télé et les exploits de Thomas Voeckler.
Nous autres confrères, pas tous des vieux croûtons comme cités plus haut mais tous attachés à ce qui nous semble raisonnable lorsque l’on pratique la bicyclette selon un certain angle social, ne prétendons pas, hélas, ramener son utilisation vers une vision décroissante, seule modernité car porteuse du seul espoir de voir la survie de l’humanité. Mais essayons au moins de faire survivre au sein de notre association des valeurs qui, pour anciennes qu’elles soient, sont toujours à la pointe de ce que l’on peut nommer le vrai progrès : solidarité, humilité, simplicité, économie, fraternité, égalité, réflexion sur l’avenir.
C’est donc à l’initiative de notre Raymond personnel, que nous organiserons le dimanche de Pâques, un Pâques en Languedoc, loin de la fête à neuneu, des budgets mirobolants et des performances. Les confrères et leurs copains sont donc invités à venir à la base de Bessilles (34 Montagnac) avec pour bagages leur vélo, quatre bouts de pain et une boîte de pâté dans la sacoche pour, à midi, tirer leur repas du sac. Le projet : vivre un nouveau moment de pédalage en commun, de rires et de partage pour retrouver, conscient ou non, l’esprit de Vélocio. Le concept est simple, noble, comme à notre sens devrait l’être le cerveau de tous ceux qui cyclent et qui devraient comprendre le lien indissoluble existant entre le pédalage et l’intellect, tous deux unis et capables de rincer les comportements goudronnés par des siècles d’égoïsme et ainsi de remettre les hommes et la planète dans le sens qui ira bien.
Patrick