Le Tour de France 2019 est parti. Et le Tour, tous les « fouille m… » de la presse écrite et surtout ceux de la télévision vous le diront : « c’est la plus grande fête sportive et populaire de France. »

Mea culpa ! Moi, grand amateur de vélo devant l’éternel, j’adore quand je ne pédale pas regarder pédaler les autres. C’est un plaisir qui, vu de son canapé, ne coûte pas cher.

Et pourtant au premier jour de la grande boucle, je fus soudain interpellé par une image télévisée aérienne furtive. Une vision même pas surprenante. Une de celle qui aurait pu glisser sur ma couenne de fana comme d’autres l’ont fait depuis des décennies. Peut-être faut-il noter ici que les années ont filées sur ma carcasse de cuir vieillissant et que ma conscience, avec elles, a pris de la bouteille et de la maturité, rare avantage de l’âge.

Enregistrée par un drone ou, je n’ose l’imaginer, par un hélicoptère, l’image montrait, posés au sol pas moins de… cinq hélicoptères. Si l’on admet que l’origine du cliché provenait également de l’un de ce type d’aéronef, cela fait six « tartanasses », comme les appelait un vieil artisan rigolo de chez moi, qui étaient affectés à la couverture aérienne de la course.

J’ai beau aimer le vélo, j’aime beaucoup plus mes petits-fils. C’est pourquoi je me sens mordicus une âme d’écolo car je veux garder l’espoir de leur conserver une planète un minimum vivable.

Alors à savoir, qu’un hélicoptère, comme les kilomètres, ça use, ça use… pas les souliers comme dans la comptine, mais du kérozène. Alors vous pensez : six ! Pas né de ce matin, je supputais, sur le côté obscur de la fête à blaireau, le pouvoir de nuisance de cette foire aux couillons. Mais là, sous l’impact de cette image, allez savoir pourquoi ? Ma calculette perso, approximative certes mais tout de même assez précise pour imaginer, a additionner les tonnes de Co², et selon les enseignements du Christ « crût et multiplié ».

Bilan à vue de nez : six hélicoptères, quelques deux à trois cents voitures pour la caravane, autant pour les autos et autocars des équipes de coureurs. Sans compter les motos, et autres suiveurs plus ou moins officiels. Le tout sur la route pendant trois semaines. Ajoutons pour finir, les reconnaissances des organisateurs, des coureurs et vous aurez, comme je l’ai eu, une idée de l’impact carbone d’un événement dont la « guess star » reste une machine dont l’essence est de déplacer son utilisateur sans énergie annexe. Vous avez dit paradoxe ?

Une fois encore ne marchons-nous pas sur la tête ? Alors, depuis trois jours à l’heure où j’écris, je m’interroge. Pour soutenir la cause des animaux, bien peu respectés dans leur droit à vivre tranquille et à ne pas être simplement considérés comme des êtres inférieurs seulement dignes d’être « bouffés » je suis devenu végétarien. Conscient que le pouvoir change les hommes et qu’aucun n’est assez fort et intègre pour se concentrer sur le vrai développement social, source du bonheur des hommes plutôt que de viser la carrière et les monceaux de pépettes, je sens de longue date grimper en moi les nuées libertaires. Enfin, face au changement climatique qui, parce que la plupart de mes concitoyens se foutent du phénomène et par là de l’avenir d’une progéniture qu’ils prétendent aimer, pourrira sans doute la vie de mes « titous » à moi, je suis puissamment écolo. Suite à la terrifiante image décrite plus haut, une nouvelle question est alors venue allonger la liste de celles longues, très longues déjà qui hantent mes réflexions. Comte tenu de mes comportements sus-nommés, n’y a-t-il pas une contradiction flagrante à suivre les retransmissions du Tour de France. « Si tu te prives de cela, me répond ma compagne, tu seras le seul puni. Ton sacrifice ne stoppera pas l’énorme impact carbone d’une espèce de kermesse mondiale qui, comme le 14 juillet en France ou la Saint-Sylvestre partout sur la planète, coûte, entre autres, en pétards colorés des sommes colossales au contribuable. Sommes qui seraient bien mieux employées ailleurs, mais que les municipalités continueront à dépenser dans ce cadre, même si tu n’y assistes pas, pour contenter un peuple qui, comme les Romains, reste tranquille socialement tant qu’il dispose de pain et de jeux. » C’est pas faux ! Le fait d’ignorer la vie politique, n’empêche pas les politicards de mes fesses de se bourrer les poches de biftons et de se la jouer sauveurs de l’humanité. Pas plus que ne pas manger de viande et de ratatiner au max mon impact carbone n’empêche un panel d’esprits bas de plafond de monter des fermes de 1 000 vaches, d’autres de rouler en voiture longue comme des bateaux, d’illuminer la nuit de bureaux non éteints et d’enseignes lumineuses ou de partir en vacances, en avion, chez les papous.

Cela dit l’idée dans les militantismes cités plus haut n’est pas de faire la révolution tout seul, mais simplement d’exprimer son désaccord par la non participation à des usages que l’on considère coupables. Alors ? Regarder le tour, pas regarder le tour ? Réflexion faite, s’il existe des tabacologues pour se désintoxiquer du tabac, il n’existe pas encore de professionnels de la désintoxication du vélo. Il faut se démerder tout seul. D’autant que ce n’est pas du vélo que je veux me sevrer mais de la façon dont certains l’utilise et le présente. Et je me heurte à un cruel dilemme, me priver d’un plaisir énorme pour rester fidèle à mes choix éthiques, ou y faire un accroc, me gaver de vélo, les endorphines produites saupoudrées de remords ? Dans un premier temps, c’est décidé, je vais m’en aller rouler moi-même encore plus souvent les jours de retransmission. Au moins une fois sur la route, il n’y a pas de télé. Ce sera déjà le début de mon traitement contre la course au gaspillage dans le cadre du tour et de ma cure de désintox… de la télé, pas du vélo…

Patrick